Quand ils arrivent je ne suis pas en guêpière et talons, allongée sur mon lit. Plus maintenant. Je ne suis pas non plus la fidèle maîtresse des années 1950. Je suis une femme tout à fait normale. Je couche simplement avec des hommes mariés : des infidèles. J’en ai rencontré près de quarante-cinq en deux ans.
Tout a commencé avec J40. Je tiens un blog, Je suis l’autre femme, où je parle de mes amants et de l’adultère. Je les surnomme avec l’initiale de leur prénom suivi de l’âge qu’ils avaient quand je les ai rencontrés. Lui est un homme marié avec qui j’ai commencé à correspondre au début de l’année 2014. Il a une très haute position dans une grande entreprise internationale. Il a commencé à me séduire. Au final, on n’a jamais couché ensemble. Mais il a eu tant d’attention. Il m’envoyait des messages tout le temps. Un soir, il m’a même proposé de le rejoindre dans la nuit aux Etats-Unis. J’ai refusé. Puis quelques jours après, il m’a appelé pour me dire : « on a un problème, je tombe amoureux de toi et pense à toi même quand je suis avec mes enfants ». Il a tout arrêté.
Être le centre de tout devient vite une drogue. J’ai ressenti un énorme manque. J’avais trouvé ce que je voulais. De la passion. Et seuls les hommes frustrés pouvaient me l’offrir. Ces hommes qui cherchent ce que leur femme ne leur donne pas ou plus. Je dois aller à la rencontre de ces êtres en mal d’amour, en mal d’attention, en mal de tendresse. Je me suis inscrite sur Gleeden, le site de rencontres extraconjugales.
« Certains se présentent comme sur un marché : je fais 1m80, mon sexe mesure tant »
Tous les jours, j’avais des dizaines de demandes. Peu importe ce que le site annonce, il y a une écrasante majorité d’hommes. Et ils ont faim de sexe. Parmi les approches, j’ai eu de tout. D’abord les clichés, très crus et sales comme « tu as l’air bonne bébé » ou « je verrai bien cette bouche autour de ma queue ». Certains me proposaient des relations épistolaires pour ne pas « réellement » tromper leur femme. D’autres se présentaient comme sur un marché : je fais 1m80, je pèse tant, mon sexe mesure tant.
Les deux premiers mois, j’ai eu une période de boulimie sexuelle. J’ai couché avec jusqu’à dix hommes par semaine, dont trois en moins de 24 heures. Je me rappellerai toujours de cette journée. L’un est venu le matin avant le travail, l’autre pendant ma pause déjeuner et le dernier après 21h. Quand il est parti une heure plus tard, je suis allée prendre une douche. J’ai commencé à pleurer. Je me suis effondrée.
J’étais une prostituée gratuite. Je n’avais même plus de plaisir. Ils tiraient un coup et partaient une heure après. Seul mon ego était flatté puisqu’ils me répétaient : « tu es sexy, tu fais bien l’amour ». J’étais complexée par mes formes. Alors ils me rassuraient. Quand ils arrivaient, j’étais toujours bien maquillée, bien épilée, en tenue érotique et en talons. Un cliché. Comme si je voulais me venger de J40 qui m’avait laissé tomber.
« J’ai refusé beaucoup de demandes, comme celle d’un fétichiste ou d’un scatophile »
J’ai fait le tri. Je me suis dit : « ma cocotte, il est temps que tu deviennes un peu plus exigeante ». J’abordais les nouveaux différemment. Je demandais tout de suite pourquoi les raisons de leur infidélité. Eux cherchaient à savoir pourquoi je couchais avec des infidèles. On échangeait sur le cinéma, la musique ou nos passions. Ensuite, nous abordions nos souhaits sexuels, voire nos fantasmes. Je reste la maîtresse, je suis aussi là pour assouvir leurs envies inavouées.
J’ai refusé beaucoup de demandes particulières. A commencer par un fétichiste des pieds. Je respectais son envie, mais ne la partageais pas. Certains scatophiles ont aussi tenté de m’approcher. D’autres encore, m’ont proposé que je laisse la porte de chez moi ouverte, que je me bande les yeux et les attende nue. Ils arriveraient, seuls ou à plusieurs, me feraient l’amour et repartiraient. Une dernière chose que j’ai refusé : la Golden shower, où l’homme m’urine dessus sous la douche.
Le plus souvent, on se voit dans mon appartement. Les rares fois où je suis allée à l’hôtel, c’est parce qu’on se rencontrait dans une autre ville que Paris. Certains m’ont soumis l’idée de se voir chez eux. Leur femme n’était pas là pour la semaine, le week-end ou juste la soirée. Je ne culpabilise pas par rapport à ces femmes, mais je ne veux pas me moquer d’elles. Je n’irai pas faire l’amour dans leurs draps, entre la photo de leur mariage et celle de leurs enfants. Un homme m’a même proposé un jour : « je garde mon bébé mais viens, s’il se réveille, je me lèverai. »