Pour mettre au point une dispersion de cendres dans l’espace, il faut procéder à de nombreux tests : composites des ballons, gaz utilisé, vitesse de montée, altitude… Le ballon est en latex – « cela évite toute pollution quand il retombe » – et le gaz utilisé est de l’hélium, « un gaz naturel », précise Lucas.

Envol d’un ballon vers le ciel. Crédit photo : © Poussière d’étoile
Une fois la crémation terminée, les deux entrepreneurs récupèrent l’urne cinéraire et rejoignent la famille. Ils placent alors les cendres dans un compartiment spécialement aménagé pour les recevoir. Pendant ce temps, le ballon blanc se gonfle d’hélium. Au départ, il peut mesurer plus de deux mètres de diamètre. Les cendres sont ensuite placées au centre du ballon, la famille peut procéder à une cérémonie.
« Cela change tout pour eux, assure Vivien. Lors d’une inhumation, ils regardent vers le bas le cercueil descendre dans le caveau. Là, tous les yeux sont rivés vers le ciel. » Les deux Montpelliérains se félicitent aussi de voir de nombreux enfants qui assistent à ce dernier « au revoir ». « C’est moins triste et moins traumatisant, promet Lucas. Quand leurs parents leurs expliquent que papy et mamie sont au ciel, ils peuvent mieux se l’imaginer ».
Lorsque le ballon atteint une hauteur comprise entre 30 et 35 kilomètres, il éclate. A cette altitude, il ne mesure plus que quelques centimètres de diamètre à cause de la pression atmosphérique. Les cendres sont dispersées dans ce que les spécialistes appellent le « proche espace ». Le ballon redescendra sur Terre et peut, si les calculs de Vivien et Lucas sont exacts, être récupéré. Sinon, il se détruira seul en quelques semaines seulement.
La France est l’un des pays d’Europe où la législation sur le devenir des cendres cinéraires est la plus floue. Depuis 2008, il est interdit de garder indéfiniment, chez soi, une urne. Mais, on peut en disperser les cendres dans un jardin des souvenirs, en mer, en montagne… A condition de respecter tout de même quelques règles. « Il ne faut pas disperser les cendres sur des routes, chemins, lacs… ».
Avec « Poussière d’étoile », le procédé est validé techniquement et administrativement par la législation funéraire. Tous les lâchers de ballons sont suivis et validés par la Direction générale de l’aviation civile.
Cependant, il est impossible à Vivien et Lucas de prévoir où exactement les cendres vont éclater. A cause, notamment, des vents terrestres, de la rotation de la Terre. C’est ce qui pose un vrai problème à Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire : « Les cendres vont revenir sur Terre et la loi stipule qu’elles ne doivent pas être dispersées sur la voie publique ou dans des jardins. Là, il est certain que les cendres retombent partout. »
Un point très sensible pour les gérants de la société. « Nous avons toutes les autorisations nécessaires pour exaucer les dernières volontés des défunts. Les familles sont d’accord et les préfectures sont prévenues », assurent-ils.
Cette activité de dispersion dans l’espace de cendres cinéraires humaines est nouvelle en France. Aux Etats-Unis, des sociétés proposent pour 1500 dollars d’envoyer quelques grammes de cendres en orbite autour de la Terre. Et ils vont même plus loin. Pour 12 000 dollars environ, un à deux grammes de cendres peuvent être envoyées en orbite autour… de la Lune !
Pour Marie-Jeanne Gendron, psychanalyste, « on se débarrasse peut-être de nos morts. Dans l’Histoire, on a toujours trouvé un lieu pour honorer nos morts. Peut-être que l’Homme connaît tout sur Terre et veut aller se balader dans l’espace avec ses cendres ».
Un nouveau monde que Vivien et Lucas, au travers de « Poussière d’étoile », sont bien décidés à conquérir. Pour l’instant, l’activité n’est pas viable pour deux salaires entiers. « Lucas travaille dans le funéraire mais je suis seul à porter le concept et à répondre aux devis », confie Vivien.
Cependant, les deux associés ont un objectif en 2016 : pouvoir proposer leurs services partout en France, via des franchises. « Nous travaillons déjà sur le concept et le business plan », précisent-ils. Ils en sont convaincus : les clients sont là, à en croire les dizaines d’appels et de devis qu’ils reçoivent. Concurrencer Dieu dans le ravissement de ses ouailles, il fallait oser.
Crédit photo : © Poussière d’étoile