Un tiers du futur réseau de gares prendra place en Seine-Saint-Denis, par l’intermédiaire de 3 lignes, dont l’écrasante majorité des stations de la ligne 16. Tout cela pour résoudre la crise aigüe des transports en commun qui sévit sur les territoires du département : saturation de la ligne 13, dysfonctionnements des RER B et D, et retards des tramways.

Carte du Grand Paris Express
Le scandale des temps de trajets
Maire de La Courneuve depuis 1996, Gilles Poux (PCF) fait partie de ces élus « neuf-troisiens » qui se sont toujours démenés pour intégrer leur commune au GPE. En 2013, après dix ans de bataille, il obtient la gare de « La Courneuve Six-Routes » et se félicite dans les colonnes de L’Humanité : « Nous avons gagné à ce que le Grand Paris Express s’arrête aussi à La Courneuve – ce qui n’était pas prévu au départ –, y ouvrant de belles opportunités. »
La ténacité de l’élu se comprend. Aujourd’hui, « La Courneuve Six-Routes » n’est qu’un modeste arrêt de la ligne T1 du tramway. Difficile de croire que sur ce carrefour, collé à la cité des 4 000, se dressera avant 2030 une gare 3.0 accueillant 34 000 passagers par jour.

Le carrefour des “Six Routes” où la nouvelle gare sera installée, à la place du restaurant Quick
Même en dehors des heures de pointe, c’est un tramway bondé qui arrive à quai. L’engin est d’un autre temps, loin de la modernité des autres lignes de tramway franciliennes. Sabrina, 21 ans, caissière dans une boulangerie à deux pas, y monte en jouant des épaules. La jeune femme dans son long gilet et ses Nike Air Max rejoint une amie à Rosny-sous-Bois, à 10 kilomètres à vol d’oiseau, pour y faire quelques emplettes au grand centre commercial « Rosny 2 ».
« Je mets trois quarts d’heure pour y arriver et pourtant c’est le moyen le plus rapide », peste-t-elle. Au terminus, à Noisy-le-Sec, elle doit encore attendre le RER E pour rejoindre la gare de Rosny-Bois-Perrier, coincée entre des HLM et ses galeries marchandes préférées. Avec le GPE, le même trajet n’excédera pas vingt minutes.
La fin du réseau en étoile
Ici, changement de décor et de préoccupations. Les murs souffrent d’infiltrations, des lettres manquent sur les panneaux. A ces détails près, Rosny-Bois-Perrier, avec son RER et son centre commercial, a tout de la gare de banlieue privilégiée. Elle accueillera même dans les prochaines années le prolongement de la ligne 11 du métro.
Mais la commune, qui disposera à terme de trois gares sur son territoire avec la ligne 15, est victime d’un autre mal. Gabriel Lapeyre, directeur du cabinet du maire Claude Capillon, s’en plaint régulièrement. « Le problème, ici, c’est le réseau en étoile. On doit quasiment tout le temps passer par Paris pour atteindre les villes au nord ou à l’ouest du département ». Par exemple, un Rosnéen souhaitant se rendre au Bourget ou à Tremblay-en-France doit d’abord rejoindre la Gare du Nord avec le RER E avant d’emprunter le RER B. Avec le GPE, ce trajet nécessitera quinze minutes, sans jamais passer les portes de Paris.
Pour tous les habitants de la commune interrogés, les échanges inter-banlieue du Grand Paris Express amélioreront leur cadre de vie. Ce sera « le câlin magique » aux habitants, selon la formule de l’actuel maire Claude Capillon. Il y voit un formidable levier pour l’intégration, l’emploi et l’attractivité de la commune. Cette idée ne date pas d’hier. « Claude Pernès [maire de Rosny-sous-Bois de 1983 à 2010] se battait déjà pour la ligne 11 et un tracé tout autour de Paris depuis son premier mandat, ajoute Gabriel Lapeyre. Malheureusement avec son décès il y a six ans, il ne verra jamais l’aboutissement de ses deux plus grands chantiers politiques ».
Après les émeutes de 2005, les maires de Clichy-sous-Bois et Montfermeil interpellaient déjà le président Chirac sur la nécessité de transports en commun efficaces. En 2013, une trentaine d’élus socialistes du 93 soutenaient le projet d’une métropole du Grand Paris équilibrée. Avec le GPE, les investissements consentis et ses milliers d’emplois à la clef, c’est l’avenir de la Seine-Saint-Denis qui se joue. Les maquettes sorties, le budget bouclé, la révolution des transports peut commencer. Rendez-vous en 2030.