Inter’val : les élus à la manoeuvre
Michel Delpech, Alain Souchon, Thomas Dutronc, Michael Gregorio, mille chaises disposées sur des courts de tennis couverts et transformés. Une scène pour l’occasion. Le festival Inter’val est organisé tous les automnes depuis 2003 par la Communauté de communes des vallons du Lyonnais (CCVL), dans huit bourgs situés à une quinzaine de kilomètres de Lyon (Rhône). Avec ses collines entremêlées, ses vergers, ses coteaux de vignes, la région offre des vues magnifiques. Mais ce n’est pas ce qui pousse les artistes à s’y produire.
« Ils jouent leur prestation calibrée pour les petites salles, leur show acoustique. Ils ne viennent pas avec vingt musiciens et danseurs pour notre petite scène », explique-t-il. Il faut compter de 20 000 € à 35 000 € pour chacune des deux ou trois têtes d’affiche tous les ans.
« Cela fait 90 000€ de cachets d’artistes », résume Bernard Servanin. Les coûts ne s’arrêtent évidemment pas là. « Le reste des frais est pris en charge par la CCVL : 10 000 € de budget de communication, et 60 000 € d’installation technique et de transformation des courts de tennis. », égrène le directeur. 35 élus ou anciens élus assurent le fonctionnement du site. Ces coûts sont intégralement couverts par les entrées.
Pas de financement privé
Le festival ne jouit d’aucun financement privé. « Nous sommes une collectivité, rappelle Daniel Malosse, le président de la CCVL. Sur le plan déontologique, ce ne serait pas très confortable d’avoir des entreprises mécènes, susceptible de répondre aussi à nos appels d’offre. »
Mais les têtes d’affiche ne sont pas les seules à faire le spectacle. « En plus d’offrir des artistes de renommée nationale à nos concitoyens, nous voulions aussi à l’origine proposer une scène à des associations locales », se souvient Daniel Malosse. En dehors des courts de tennis, des manifestations ont lieu dans une quinzaine de lieux comme à l’église de Grézieux-la-Varenne où se tiendra un concert de carillons. Les associations gèrent seules leurs propres spectacles.
« Nous organisons aussi des événements pour les scolaires, ajoute Bernard Servanin. L’année dernière, on leur a décerné le coup de cœur du festival. »
*Inter’val — du 2 septembre au 2 octobre 2016 — Huit villes de la Communauté de communes des vallons du Lyonnais (CCVL) — Environ 30 euros pour une tête d’affiche, 10 euros pour les spectacles associatifs
Papillons de nuit : le plus gros dans la plus petite ville
C’est l’histoire d’une bande de copains qui jouait dans la salle des fêtes de Saint-Laurent-de-Cuves (Manche), à mi-chemin entre Rennes et Caen, à la fin des années 1990. En 2001, ils ont commencé à voir plus grand. En 2016, Michel Polnareff, Louise Attaque, Indochine, Nekfeu rendront visite aux 480 habitants de la bourgade et aux 1300 bénévoles et 70 000 spectateurs de Papillon de Nuit.
Trois millions d’euros de budget. Un savant mélange. Le financement provient à 60% de la billetterie, à 20% des recettes du bar et des restaurants. Le privé représente, lui, entre 15% et 20%. « Nous avons 180 entreprises partenaires, commente Pierre-Olivier Madelaine. Mais ils n’ont aucun droit d’ingérence dans l’organisation. » S’ajoutent enfin plus 50 000 € de subventions.
Pour pouvoir suivre au mieux les 130 000 transactions durant trois jours et faciliter la vie des festivaliers, l’organisation a mis en place en 2015 un système de paiement dématérialisé. Chacun possède un bracelet et les stands un terminal. « On connait le panier moyen des festivaliers de manière précise, se réjouit Pierre-Olivier Madelaine. Et on sait aussi où faire des économies. »
200 000 € pour David Guetta
Le plus gros poste de dépense reste néanmoins la musique. « Nous consacrons un million d’euros aux cachets d’artistes. Certains coûtent jusqu’à 200 000 €, mais on sait qu’ils vont nous ramener un public en conséquence, comme David Guetta il y a deux ans. Mais c’est de plus en plus dur, les frais ont beaucoup augmenté ces dernières années. »
Même si l’argent reste central, la décision pour un artiste de venir jouer est étroitement liée à la relation entre le producteur et l’organisateur. A la marge, des critères éthiques peuvent jouer. « Si tout l’argent d’un festival provient d’entreprises comme McDonald’s, nous serons probablement moins intéressés pour y jouer », résume Mathias, le chanteur du trio de rock hollandais Bombay.
Les autres engagements moraux fonctionnent seulement si le festival sort du lot, car comme le dit N’Dieri Ba, chargé de production du groupe Boulevard des airs : « Je pense que l’ensemble des festivals existants répondent ou tentent de répondre à un objectif social et/ou environnemental. »
*Papillons de nuit- 20, 21, 22 mai 2016 — Saint-Laurent-de-Cuves (Manche) — 45 euros par jour ( pass trois jours épuisés)
No logo: ” C’est vous qui décidez ! ”
No logo. Pas de marque. Pas de sponsor. Pas d’argent privé. Pas même de fonds publics. Et pourtant, en 2015, le festival No logo a rassemblé 30 000 personnes dans la petite bourgade de Fraisans (1100 habitants), dans le Jura, à une demi-heure de route de Besançon. Des jeunes artistes prometteurs comme le Jamaïcain Protoje et le Tourangeau Biga Ranx y ont côtoyé des figures respectées : Bunny Wailer, l’ami et musicien de Bob Marley, et Alpha Blondy, le parrain de l’évènement.
Cette année, les organisateurs visent 36 000 personnes sur trois jours dans le site des Forges. Cette ancienne usine métallurgique ‑d’où est notamment sortie la charpente de la gare de Lyon à Paris — entourée par 7000m² de pelouses offre un cadre hors du temps aux sonorités reggae du festival. Sans être polluée par la moindre banderole publicitaire.
Le budget atteint 700 000€, dont un tiers va aux cachets d’artistes. Les revenus émanent des entrées, du bar et des redevances payées par les restaurateurs sur le site. « Heureusement, les Francs-Comtois boivent beaucoup ! », s’amuse Florent Sanseigne. Une bière spéciale est brassée pour l’occasion à Bletterans, dans le Jura, à la brasserie Rouget de Lisle. Elle seule abreuve les gorges desséchées par l’été.
« Qu’on ne voit pas de grande banderole Coca-Cola, ça me convient très bien », assure le maire Christian Girod. Je respecte beaucoup. Ils font travailler les jeunes de la commune, les associations, les commerçants. Ils payent tout le monde. »
Pas de bénévoles, tout le monde est payé
Car il n’y a pas de bénévoles à No logo, alors que l’écrasante majorité des festivals en France jouit de bataillons de volontaires prêts à offrir leur temps. « Je vois qu’il y a des aspects très positifs [à rémunérer tout le monde]. Ils sont impliqués dans le travail. Ils ne profitent pas du tout des concerts mais ils le savent. Nous organisons une fête un mois plus tard pour eux. Ça les motive pour revenir. »
Dans une moindre mesure que les employés, tous les festivaliers sont impliqués. « Nous avons lancé une enquête sur une base de 15 000 personnes, explique Florent Sanseigne. Aujourd’hui, nous en sommes à 2000 réponses avec une moyenne de neuf minutes passées par questionnaire. On essaye d’être proche des gens. »
Les votes ont parlé. Cette année, Damian Marley, Dub Inc et Alborosie feront trembler les anciens hauts fourneaux de Fraisans.
*No logo: ” C’est vous qui décidez ! ” — 12, 13 et 14 août 2016 — Fraisans (Jura) — 50 euros les trois jours