Le phénomène aura lieu, c’est cer­tain. Seul prob­lème ? Per­son­ne ne sait quand. Chaque année, il a une chance sur cent de se pro­duire, d’où son nom de « crue cen­ten­nale ». Lorsque la Seine débor­dera, comme ce fut le cas en 1910, une par­tie de Paris sera inondée (en l’oc­curence les 7e, 8e, 12e, 13e et 15e arrondisse­ments). Mais sa ban­lieue, où l’habi­tat a explosé depuis un siè­cle, va égale­ment être touchée. Pour se pré­par­er à cet événe­ment inévitable, un exer­ci­ce de sim­u­la­tion a com­mencé ce lun­di 7 mars. Bap­tisé Sequa­na 2016, il dur­era jusqu’au 18 mars prochain. La pré­fec­ture de police de Paris a réal­isé un clip afin d’ex­pli­quer les enjeux liés à cet exercice :

La sim­u­la­tion Sequa­na se répar­tit en plusieurs endroits de la cap­i­tale, mais pas seule­ment : Saint-Denis (93), Valen­ton (94) et le port de Gen­nevil­liers (92) sont con­cernés par la mise en sit­u­a­tion. Et pour cause : la ban­lieue sera forte­ment impactée en cas de crue cen­ten­nale. Pour visu­alis­er l’é­ten­due des dégâts, l’OCDE a dressé une carte des zones inondées :

carte crue centennale

Au total, cinq mil­lions de Fran­ciliens seront impactés. Les départe­ments de ban­lieue situés près de la Seine seront par­ti­c­ulière­ment touchés. Le Val-de-Marne, en amont du fleuve par rap­port à la cap­i­tale, et les Hauts-de-Seine en aval, con­naîtront une sit­u­a­tion cri­tique. Selon une étude de l’I­AU (insti­tut d’amé­nage­ment et d’ur­ban­isme) d’Île-de-France, rien que sur ces deux départe­ments, 217 500 loge­ments sont en zone inond­able. Au niveau com­mu­nal, Alfortville (94), située au sud de Paris, est la plus exposée. 42 000 habi­tants pour­raient finir les pieds dans l’eau en cas d’i­non­da­tion. Cela représente 93% de sa population.

A Gen­nevil­liers, «on n’ar­rivera pas à tout pro­téger»

Autre ville exposée : Gen­nevil­liers, dans les Hauts-de-Seine. Selon Patrice Leclerc, maire com­mu­niste de cette com­mune de 42 000 habi­tants, «80% de la ville est poten­tielle­ment inond­able». Gen­nevil­liers pos­sède notam­ment la pre­mière plate-forme por­tu­aire d’Ile-de-France. L’IAU a pointé le risque poten­tiel en cas d’i­non­da­tion de cette zone : un prob­lème grave d’ap­pro­vi­sion­nement de la région en hydro­car­bu­res. Le maire de la com­mune est con­scient des risques, et con­cède : «On n’ar­rivera pas à tout pro­téger. Mais plus on pro­tégera d’in­stal­la­tions, plus la sit­u­a­tion pour­ra vite revenir à la nor­male».

Selon l’édile, l’ex­er­ci­ce de sim­u­la­tion Seque­na, auquel la ville par­ticipe «est le début d’une démarche pour qu’on soit prêts le moment venu. L’ob­jec­tif est d’in­former pré­cisé­ment les entre­pris­es et les citoyens. Ils doivent s’at­ten­dre à des coupures d’élec­tric­ité et de gaz.  Il faut égale­ment for­mer le per­son­nel com­mu­nal.»  En cas de crue cen­ten­nale, le maire con­seille mal­gré tous à ses conci­toyens «de par­tir, mais si ce n’est pas pos­si­ble, il faut se pré­par­er à vivre en autar­cie pen­dant sept semaines». Mais pourquoi la ban­lieue est autant exposée en cas de crue de la Seine ?

L’OCDE, dans un rap­port pub­lié en 2014 sur les risques liés à la grande crue, explique cette sur­ex­po­si­tion de la ban­lieue à la grande crue par l’ur­ban­i­sa­tion impor­tante dans les années 1960. Face au fort besoin de loge­ments, les munic­i­pal­ités n’ont pas tenu compte des zones inond­ables avant de délivr­er les per­mis de con­struc­tion. L’autre prob­lème con­cerne une dif­férence d’in­fra­struc­tures entre Paris et sa ban­lieue : «La dif­férence entre les niveaux de pro­tec­tion prodigués par les digues et les murettes (…) entre le cen­tre et la périphérie de l’ag­gloméra­tion ne per­met pas d’as­sur­er une pro­tec­tion homogène entre les citoyens d’Île-de-France.» Autrement dit : «Paris est pro­tégée, la ban­lieue non».  Pour par­er à cette sit­u­a­tion, un plan de ges­tion des risques d’i­non­da­tion pour la zone a été édité en décem­bre 2015. Reste à met­tre en appli­ca­tion des mesures avant que la crue devi­enne réalité.