Des caméras de sur­veil­lance dans la rue ? Jusque-là, rien de bien orig­i­nal. Sauf qu’à Man­delieu-la-Napoule (Alpes-Mar­itimes), une com­mune de 23 000 habi­tants, ces dix caméras… inter­pel­lent directe­ment les pas­sants. Déjec­tions canines, sta­tion­nement gênant, agres­sions : à la pre­mière infrac­tion, un haut-par­leur rap­pelle le quidam à l’ordre.

Le dis­posi­tif de préven­tion, mis en place par la munic­i­pal­ité divers droite depuis le 18 févri­er, manque cru­elle­ment de déli­catesse au goût de Bernard David. Cet ancien con­seiller munic­i­pal d’opposition est prési­dent de l’Association pour l’in­for­ma­tion et la défense des habi­tants de Man­delieu (APICM). A ses yeux, le dis­posi­tif « ridi­culise les habi­tants » pour les met­tre au pas. 

« Quand un agent vient vous voir pour une petite infrac­tion, la dis­cus­sion a lieu dis­crète­ment, détaille-t-il. Là, on vous pointe du doigt en pub­lic. » Dans le petit cen­tre-ville de la com­mune, l’ancien élu dénonce « des per­son­nes âgées ridi­culisées au pré­texte qu’elles se gar­ent en dou­ble file, le temps de dépos­er un pli dans une boîte aux let­tres ».

On vous inter­pelle comme un délin­quantBernard David, ancien con­seiller munic­i­pal d’opposition

Au Cen­tre de sur­veil­lance urbain, quinze gen­darmes et policiers munic­i­paux scru­tent leurs dix écrans, prêts à pren­dre le micro à la pre­mière inci­vil­ité filmée. « On vous inter­pelle comme un délin­quant », s’insurge Bernard David, pour qui cette façon de procéder se situe « à la lim­ite de l’indécent ».
Cer­tains rési­dents de Man­delieu-la-Napoule le rejoignent. « Si on a quelque chose à nous dire, on vient nous voir, s’indigne par exem­ple un habi­tant de Man­delieu face aux caméras de TF1 dans un reportage dif­fusé le 8 mars. On ne nous appelle pas avec des micros, on n’est pas des ani­maux.»

Les forces de l’or­dre utilisent-elles sci­em­ment la pres­sion sociale pour forcer les con­trevenants à chang­er de com­porte­ment ? Le directeur adjoint de la police munic­i­pal, Yves Guhel, botte en touche : « C’est sûr qu’on n’aime jamais être pris à défaut. Après, cha­cun a sa psy­cholo­gie et son rap­port à l’au­torité. »

Dans ses com­mu­niqués, la mairie met, elle, avant tout l’accent sur la sur­veil­lance con­tin­ue de ces points du cen­tre-ville et la « sécu­rité [ren­for­cée] des citoyens en cas d’incendie, d’inondation ».

Quant aux inci­vil­ités, elles pren­nent fin « neuf fois sur dix » après le pre­mier aver­tisse­ment par haut-par­leur, selon Andrès Belzunce, directeur de la police munic­i­pale inter­rogé par ce même reportage de TF1. L’histoire ne dit pas si c’est la peur du gen­darme ou bien le regard des autres qui décide le plus sou­vent les con­trevenants à revoir leurs (mau­vais­es) habitudes.