Siga Siga, c’est ce magasin géré par l’association “La Boutique sans argent”, où l’on trouve de tout, sans dépenser un seul centime. Le principe est simple : les objets ne sont pas en vente mais en libre-service, sans aucune contrepartie. Pour alimenter le stock, les gens sont invités à donner les biens qui végètent chez eux, inutiles. Trois salariés, et quelques bénévoles nourrissent la vie de l’association, aidées par la mairie du 12e.
Un concept qui croule sous les dons
« Echanger un vêtement avec votre sœur ou votre cousine ne vous choque pas ? » questionne Julie Hebting, la responsable du projet. Nous voulons simplement diffuser cette idée mais pour le grand public. » Les vêtements qui dorment au fond des placards depuis des années feront peut-être le bonheur d’autrui.

Tout le monde est invité à mettre la main à la pâte
Seules les affaires en bon état et de petite taille sont acceptées. Vêtements, électroménager, ustensiles de cuisine ou encore jouets pour enfants inondent les étagères. Le cadre est un peu rustique, mais si convivial que les conversations, les rires et même les chansonnettes témoignent de la bonne humeur des participants. Chacun peut apporter une valise d’objets par jour, pas plus. « Contraintes de stockage », précise Julie Hebting.
Ouvert en juin 2015, le magasin reçoit depuis des mois cent cinquante personnes par jour en semaine et près de 300 le samedi. Il croule sous les dons. Siga Siga n’est pas un débarras, et n’a pas dessein à vider les placards des uns et des autres. « Nous souhaitons qu’une personne considère ses objets en bon état et se demande : en ai-je besoin ou non ? »
le nombre de personnes attirées par l’idée les samedi
L’association veut mettre fin au règne du client-roi qui fait ce qu’il souhaite puisqu’il paye. Ici, prohibée l’idée que de toute façon, les vendeuses rangeront les affaires déballées. « Pour un dîner, les parents préparent et les enfants mettent la table, avance Julie Hebting. Ici c’est pareil, tout le monde participe à la vie du lieu. »
Gimme gimme gimme
La boutique sans argent n’a pas voulu fonctionner sur le principe du troc. Donner n’est pas une condition pour recevoir. Selon J. Hebting, « si vous déménagez, vous voulez plutôt vous débarrasser d’affaires et non en mettre de nouvelles plein vos cartons. »
Umsonst laden. Libre accès, en allemand. Dans le pays voisin, ce type de boutiques se démocratise. Une soixantaine a ouvert à travers le pays, dont six rien qu’à Berlin. En France, le premier lieu du genre s’est créé à Mulhouse, près de la frontière. C’était il y a six ans. Depuis, une petite dizaine d’initiatives sont nées sur le territoire.
Marie et Véronique, venues pour la première fois, sans rien à donner en retour, ont hésité longtemps avant de repartir avec un rideau et un chemisier. « Je suis gênée, vraiment », confie la première avant de promettre : « Je vais revenir avec quelques affaires. » La responsable du projet explique : « Dans notre pays, on a du mal à se dire qu’on peut prendre quelque chose sans débourser d’argent. » Sarah Siegel, mère de deux jumeaux de 12 ans, s’offusque à l’idée de venir sans rien amener : « Je viens toutes les semaines avec un sac de vêtements, mais jamais, jamais je n’arriverai les mains vides. »
Siga Siga ne veut pas être assimilé à un lieu de bons plans à Paris, ou de charité. « Nous ne sommes pas des travailleurs sociaux », explique Julie Hebting. Condition sociale, lieu d’habitation ou coordonnées : aucune information personnelle n’est demandée. Seul un registre répertorie le nombre d’objets entrants et sortants.
Certains sont des habitués, mais personne ne connaissait un tel lieu avant de mettre un pied à Siga Siga. Regards dubitatifs à la recherche des prix, mains hésitantes pour aller fouiller dans les portants, les nouveaux sont perdus dans ce capharnaüm. Marie, avec son chemisier sous le bras, s’attendait d’ailleurs à une vraie boutique, pas à un coin de hall.
Lénaïk Bertho, la stagiaire du moment, n’est elle pas arrivée là par hasard. Entre son mari écolo depuis une dizaine d’années et le chômage depuis un an et demi, cette grande consommatrice a trouvé un concept qui correspond à son nouveau mode de vie. A 42 ans, cette ancienne animatrice à la radio tahitienne, veut même créer son propre Siga Siga près de Quimper (Finistère). « Je ne pense pas que tout sera gratuit, nuance-t-elle. Un prix libre me conviendrait plus, ne serait-ce que pour rentabiliser le projet. » La culture du don a encore du chemin à faire.