D’abord réservé aux premiers logiciels de “chat” en ligne à la fin des années 80, sous formes de combinaisons typographiques, puis standardisé avec la fameuse bouille chauve depuis 2000, l’émoji profite du développement exponentiel des smartphones au point d’être connu de tous.
Cela n’a pas toujours été le cas. Pendant longtemps, les générations Y et Z furent les seules à maîtriser les codes de cette façon de s’exprimer. « Quand j’ai commencé à travailler ma thèse sur le sujet en 2009, c’était difficile de trouver des adultes utilisant les émoticônes. Les moins de 25 ans avaient une sorte de monopole. Aujourd’hui c’est différent », explique Pierre Halté, docteur en sciences du langage à l’Université Paris-Est Créteil.
Désormais, la frontière générationnelle n’existe plus. « Avant, les adultes avaient peur de mal comprendre ce langage ou d’être mal compris quand ils s’en servaient », ajoute Pierre Halté. Le développement des banques d’émoticônes en ligne et des applications dédiées à la fin des années 2000 va tout changer. Aujourd’hui, la pratique est ancrée dans la vie quotidienne entre Instagram, Snapchat et les innombrables SMS des forfaits illimités. Bizarrement, ce n’est pas sur Facebook, poids lourd des réseaux sociaux, que le réflexe s’est le plus répandu au départ. La communauté d’Instagram impliquant bien plus ces expressions pour accompagner les publications et les commentaires.
Le chercheur différencie par ailleurs le simple émoticône de chien mignon ou de jolie maison du visage porteur d’une émotion. « Le chien ou la maison remplacent seulement une image alors qu’un visage cherche à recréer la conversation en face-à-face. Il nuance les mots en reproduisant les gestes et les mimiques du langage physique », détaille-t-il. Un besoin d’amener du vivant dans un échange instantané, a priori difficile à reproduire à l’écrit sans les emojis.
Autres atouts pour les « vieux » : l’aspect ludique et le temps gagné. « C’est un langage « du pouce », on remplace parfois plusieurs mots ou une phrase par une seule émotion. Entre deux réunions ou deux rendez-vous professionnels ce n’est pas négligeable », précise Pierre Halté.
Les marques ou les stars ne s’y trompent pas et utilisent à présent ce dialecte pour promouvoir leur contenus, leurs produits ou même les événements de leur vie. Ce fut par exemple le cas du joueur de tennis britannique Andy Murray pour résumer la journée de son mariage avec Kim Sears.
https://twitter.com/andy_murray/status/586811114744320000
Grand-mère gâteau, adolescent hyperconnecté, solide quadra ou star des réseaux sociaux, la langue emoji s’adapte aux émotions de tous. Sans jamais prendre une ride.
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