« Je donne mon âme à Dieu, mon cœur au Roy et mon cul à la République. »  En 1794, le mar­quis Charles Camille de Capizuchi de Bologne fait face à l’échafaud. Quelques sec­on­des plus tard, le couperet de la guil­lo­tine tombe. Un moyen rad­i­cal pour met­tre un terme à ses con­vic­tions roy­al­istes… qui restent encore vivaces aujour­d’hui dans cer­tains milieux.

En 2001, l’Alliance royale est créée. Ce mou­ve­ment roy­al­iste se dis­tingue en par­tic­i­pant à toutes les élec­tions pos­si­bles dès 2007, qua­tre ans après s’être con­sti­tué en par­ti. Avec plus ou moins de suc­cès, mais beau­coup de per­sévérance. Aux élec­tions munic­i­pales de 2014, cinq can­di­dats sont élus con­seillers munic­i­paux. « D’autres élus nous ont rejoints depuis, donc on a dou­blé notre score, analyse Robert de Prévoisin, secré­taire général du mou­ve­ment. Il reste néan­moins modeste… » 

On souhaite une logique dynas­tique régie par les lois fon­da­men­tales du roy­aumeRobert de Prévoisin, secré­taire général de l’Al­liance royale

Pren­dre part à un sys­tème qu’on souhaite voir dis­paraitre peut paraître con­tra­dic­toire. L’Alliance royale milite pour l’instauration d’une « monar­chie insti­tu­tion­nelle royale dans laque­lle le roi serait maître de tout, explique Robert de Prévoisin. On veut rem­plac­er le sys­tème élec­toral par une logique dynas­tique régie par les lois fon­da­men­tales du roy­aume. » La pri­or­ité ? Réécrire l’article 89 de la Con­sti­tu­tion, qui inter­dit de révis­er la forme répub­li­caine du gouvernement.

Au con­traire, les mil­i­tants de l’Action française ne cherchent pas à pren­dre ou à par­ticiper au pou­voir. Resté fidèle à la pen­sée de Charles Mau­r­ras, le plus célèbre mou­ve­ment roy­al­iste s’est jusque-là refusé à présen­ter des can­di­dats aux élec­tions. Elie Hatem, cadre dirigeant de l’Action française depuis des années, est opposé au suf­frage uni­versel : « Il entre­tient la sépa­ra­tion pro­fonde entre le pays réel, la région, le tra­vail, les métiers, la paroisse, la famille, et le pays légal, les insti­tu­tions républicaines. »

Charles Mau­r­ras, ini­ti­a­teur de la con­ver­sion monar­chiste de l’Action française à la fin du XIXème siècle.

Mais alors pourquoi cer­tains courants roy­al­istes fran­chissent le Rubi­con et par­ticipent à un sys­tème répub­li­cain qu’ils rejet­tent, et d’autres non ? Christophe Bour­seiller, enseignant et auteur d’essais sur les extrêmismes poli­tiques, dis­tingue « les roy­al­istes mod­érés, qui veu­lent un roi dans une démoc­ra­tie par­lemen­taire, et les roy­al­istes extrémistes, qui se définis­sent en dehors de ce sys­tème démoc­ra­tique ».

Selon lui, les roy­al­istes qui recon­nais­sent la cinquième République se sont tou­jours présen­tés aux élec­tions. « L’Alliance Royale, c’est plus par­ti­c­uli­er, explique-t-il. Ils ont une posi­tion très catholique, très con­ser­va­trice sur le plan poli­tique. D’où leur par­tic­i­pa­tion au régime républicain. »

Notre sys­tème monar­chique a fait ses preuves durant des siè­cles. La République, elle, diviseRobert de Prévoisin, secré­taire général de l’Al­liance royale

En 1974, Bertrand Renou­vin, roy­al­iste, est can­di­dat à l’élection prési­den­tielle. Il ne recueille que 0,17% des voix au pre­mier tour. Faute de sig­na­tures, il n’a, depuis, jamais eu de suc­cesseur. Et il faut remon­ter au début du 20e siè­cle pour voir des roy­al­istes siéger au Par­lement. Un des derniers élus était le monar­chiste et nation­al­iste Léon Daudet, élu en 1919. « Depuis, c’est la poli­tique de la chaise vide, on laisse aux Répub­li­cains faire tout ce qu’ils veu­lent », tonne Robert de Prévoisin. Une absence vis­i­ble dans le paysage poli­tique mais aus­si médi­a­tique. Les courants roy­al­istes sont nom­breux. Mais leur audi­ence est faible.

Du côté de l’Alliance royale, le secré­taire général affirme que « se présen­ter aux élec­tions et se con­stituer en par­ti nous a per­mis de gag­n­er en vis­i­bil­ité. Il faut que les Français voient qu’il y a une alter­na­tive ». L’homme en est con­va­in­cu : le com­bat en vaudrait la peine. « Notre sys­tème monar­chique a fait ses preuves durant des siè­cles, jus­ti­fie-t-il. La République, elle, divise. Même le per­son­nage le plus vertueux ne peut réus­sir dans ce régime. »

Le pro­gramme a ses adeptes. Selon Robert de Prévoisin, cer­tains mil­i­tants de l’Action Française auraient rejoint l’Alliance royale, com­prenant « qu’il fal­lait vot­er pour quelqu’un et non con­tre quelqu’un ».

Il faut trou­ver un moyen de sauver la France tombée sous le joug de la RépubliqueElie Hatem, cadre dirigeant de l’Ac­tion Française

Au sein de l’Action Française, la ques­tion de la par­tic­i­pa­tion aux élec­tions com­mence pour­tant à se pos­er. Elie Hatem s’est d’ailleurs présen­té aux munic­i­pales de 2014 dans le 4e arrondisse­ment de Paris. Sans éti­quette de par­ti, mais sous les couleurs du Rassem­ble­ment bleu marine, un mou­ve­ment affil­ié au Front national.

0,17%
Le score de Bertrand Renou­vin, dernier can­di­dat roy­al­iste à une élec­tion prési­den­tielle, en 1974

Le can­di­dat assure que sa démarche est fidèle à la tra­di­tion de son courant : « Lorsque je me suis présen­té, c’était une élec­tion locale et non nationale. Dans ce sens, je respecte la pen­sée de Mau­r­ras qui par­lait de “l’autorité en haut, les lib­ertés en bas”. De plus, il faut trou­ver un moyen de sauver la France tombée sous le joug de la République, et c’est en reprenant le pou­voir par l’intermédiaire de ces élec­tions locales qu’on y arrivera. »

A l’heure actuelle, le mou­ve­ment maurassien de l’Action française est en pleine « crise ». Le comité directeur devrait bien­tôt pren­dre une déci­sion sur la stratégie à adopter : plusieurs de ses mem­bres désirent plus de can­di­dats aux élec­tions locales, indépen­dam­ment des par­tis. Une révo­lu­tion pour le mouvement.

Le cli­mat actuel de défi­ance poli­tique con­tribue à faire mon­ter les extrêmes et donc le roy­al­ismeChristophe Bour­seiller, essayiste

Mal­gré la présence con­stante de can­di­dats roy­al­istes, Christophe Bour­seiller, l’auteur d’essais sur les extrémismes poli­tiques, assure que les thès­es monar­chistes ne con­nais­sent pas le regain de pop­u­lar­ité atten­du. « Le cli­mat actuel de défi­ance poli­tique con­tribue à faire mon­ter les extrêmes et donc le roy­al­isme, affirme-t-il. Mais il faut rel­a­tivis­er : l’idée roy­al­iste a tou­jours été présente, même si, il faut le dire, il n’y a pas beau­coup de Français qui veu­lent remet­tre un roi sur le trône. »

La seule rai­son d’e­spér­er ? Un raje­u­nisse­ment des mil­i­tants roy­al­istes… Et même de ses can­di­dats. En 2014, Jérôme Szczepan­s­ki est élu sous l’étiquette de l’Alliance Royale, à Mouriez dans le Pas-de-Calais. Il n’a alors que 19 ans.

Crédits pho­to : Action Française